Question N° 7390 – Concertation sur la corrida
Texte de la question
Mme Claire O’Petit attire l’attention de M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la problématique de la corrida. Compte tenu d’une opposition croissante de la population, des multiples initiatives parlementaires visant à l’interdire ou tout du moins à l’encadrer, de l’interprétation jurisprudentielle contestable de l’article L. 521-1 du code pénal qui implicitement la range parmi les faits justificatifs autorisant les actes de cruauté envers les animaux, elle lui demande s’il compte initier une concertation réunissant les différents acteurs afin d’entamer une évolution législative concernant cette pratique.
Texte de la réponse
La France s’est dotée depuis de nombreuses années d’un arsenal législatif et réglementaire spécifique en matière de protection animale, notamment sur le fondement de deux articles du code rural et de la pêche maritime : l’article L. 214-1 qui considère l’animal comme un être sensible et l’article L. 214-3 qui prescrit l’interdiction des mauvais traitements envers les animaux domestiques ou sauvages, apprivoisés ou tenus en captivité. Par ailleurs, la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans le domaine de la justice et des affaires intérieures a fait évoluer le statut juridique de l’animal en créant l’article 515-14 du code civil qui dispose en effet que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. ». Ces principes fondateurs de la protection animale ont été suivis de nombreux textes réglementaires applicables selon les espèces animales et les utilisations auxquelles elles sont éventuellement destinées. Les articles 521-1 et R. 654-1 du code pénal prévoient une exception aux incriminations de mauvais traitements, de sévices graves et d’actes de cruauté commis à l’encontre des animaux, s’agissant des courses de taureaux et des combats de coqs qui s’inscrivent dans le cadre d’une tradition locale ininterrompue. Cette disposition a été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 21 septembre 2012 à la suite d’une saisine sur question prioritaire de constitutionnalité. L’interprétation de ces articles, en particulier en ce qui concerne l’aire géographique d’une tradition locale, n’est pas du ressort du pouvoir réglementaire mais appartient aux tribunaux. La deuxième chambre civile de la cour de Cassation fait une application stricte de ce texte dans un arrêt du 10 juin 2004 en rappelant que « seule l’existence d’une tradition locale ininterrompue fait obstacle à ce que s’appliquent à une course de taureaux les dispositions pénales qui sanctionnent le fait d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé ou tenu en captivité ». Cette exception s’inscrit dans le cadre d’un dispositif rigoureux concernant la protection des animaux, assorti de dispositions répressives renforcées dont la mise en œuvre fait l’objet d’une attention particulière. Il convient en effet de rappeler que le dispositif répressif est particulièrement étoffé, et continue à être renforcé. En effet, à l’issue des États généraux de l’alimentation qui se sont tenus à l’automne 2017, le gouvernement a présenté un projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, qui est en cours d’examen au parlement. Il prévoit notamment l’extension de la possibilité pour les associations de se constituer partie civile pour certaines infractions du code rural et de la pêche maritime, l’aggravation des peines de l’article L. 215-11 du même code relatif aux mauvais traitements exercés par des professionnels, ainsi que l’ajout de l’activité d’abattage ou de transport d’animaux vivants dans la liste des activités des professionnels concernés. La législation en vigueur et son application ferme par les magistrats apparaissent donc en l’état suffisants pour assurer la protection animale et aucun projet n’est en cours actuellement à la chancellerie pour modifier le cadre juridique existant.